Hier, cinq vieilles peaux se sont réunies autour d’un « buffet à volonté » dont je sors avec au moins deux kilos de plus sur les fesses. Je revois avec plaisir quatre copines de la mater que je n’ai pas revues depuis une dizaine d’années, retrouvées sur Copains d’avant et sur Facebook ; merci les réseaux sociaux !
Nous évoquons ce bon vieux temps des nuits de garde, qui nous laissaient fourbues au petit matin, avec la hâte de rentrer à la maison dont nous ressortions quelques instants plus tard pour accompagner les enfants à l’école, faire quelques courses au retour avant de se mettre au lit pour quelques heures d’un repos mérité… Avant d’attaquer le ménage, la lessive, le repassage, les devoirs des enfants, le repas du soir… Car des horaires de nuit ou de travail alterné (matin ou après-midi) offrent un nombre important d’heures de veille dans la journée, qui autorisent deux fois plus d’activités !
Nous évoquons ce bon vieux temps de l’arrivée de la nouvelle promo d’internes ; certaines alors faisaient leur planning sexe pour l’année à venir. Il règne une ambiance particulière dans les hôpitaux, où l’on côtoie la maladie, la mort, même là où on ne devrait croiser que des femmes heureuses avec leur nouveau-né agrippé à leurs seins. Tout accouchement ne se passe pas bien, même si l’issue est rarement fatale. Et il y a la douleur de l’accouchement, bien réduite certes, mais encore présente, la détresse de femmes seules, l’avortement volontaire ou thérapeutique…, tous ces instants charnière dans la vie d’une femme. Alors il faut compenser, prendre du bon temps, rire, manger, boire, baiser…
Puis vient le temps de dire du mal des autres, celles qui ne partagent pas notre repas, qui n’auraient pas été admises à notre table, les pas-marrantes, les pas-sympa, les pas-bonnes collègues, les chouchous de la direction, les lèche-bottes… Bref, pas nos copines ! Passage en revue et taillage de costumes. Dieu que les femmes sont mauvaises quand elles papotent entre elles !
L’instant de nostalgie passé, chacune se raconte, parle de sa vie actuelle de retraitée, de son ennui, de ses enfants, et de son mari…
L’aînée n’en peut plus d’un mari souffrant d’un cancer, handicapé moteur, qui partage son temps entre canapé et ordinateur. Elle se dévoue à son fils dans la déprime totale, que sa copine vient de laisser tomber et qui est retourné chez maman, avec son enfant en bas âge dont il partage la garde. Elle fait bonne figure, plaisante mais on la sent lasse de cette existence, avouant à mots couverts qu’elle attend le décès de son mari.
Une autre, belle femme aux jambes interminables sur lequel le temps n’a pas posé sa griffe, que j’ai toujours connue avec un mari aimant et un fiancé ardent, se consacre à la décoration de sa maison pour tuer le temps. Elle n’a plus de « fiancé » et s’étiole. Déjà elle appréhende le jour où son mari sera lui aussi à la retraite et où sa dernière fille quittera le nid, elle craint les tête-à-tête maussades où l’on n’a plus rien à se dire.
La troisième rêve d’un ailleurs, d’un autre temps, d’une autre vie, d’un autre homme surtout. Elle ne supporte plus son mari, toujours collé à ses basques depuis qu’il est à la retraite, brave homme pourtant, mais elle ne l’aime pas. D’ailleurs, l’a-t-elle aimé un jour ? Elle fit un mariage de raison, c’est tant pis pour elle ! Alors elle se répète inlassablement : si tu n’as pas ce que tu aimes, il faut aimer ce que tu as. Mais ça ne marche pas comme ça.
La dernière d’entre elles partage sa demeure avec son vieux mari, qui la trompe depuis de nombreuses années, la traitant comme sa domestique mais, en contrepartie, lui laissant la bride sur le cou. Elle le vomit mais reste avec lui.
Ces quatre femmes ont ceci en commun : elles vivent avec leur mari dont elles n’ont qu’une envie, se débarrasser. Mais elles ne le font pas, pour des raisons, avouent-elles, de confort. « On l’a supporté jusque-là, ce serait con de perdre sa retraite ! » Pas une n’envisage de divorcer, de se retrouver seule, de troquer sa maison confortable contre un petit appartement. La vie commune était supportable tant qu’elles (et ils) étaient en activité. Maintenant, ces couples se sont réduits à deux personnes partageant un même toit ; quand ce n’est pas la guerre permanente, c’est moindre mal. Mais ce dernier tronçon de vie n’est pas très exaltant, il faut bien le reconnaître.
Je demande des nouvelles de P. Je suis allée à l’hosto l’autre jour et je ne l’ai pas vue. Travaille-t-elle encore ? Oui mais elle a changé de service, un service où pourtant elle régnait en chéfaillonne ! Elle n’avait cessé durant des années de vanter les mérites de son mari, beau comme un dieu, et il a fait ci, et il fait si bien cela… Ce qui ne l’avait guère empêchée d’avoir une longue liaison torride avec un patron coureur de jupons. Il ya peu de temps, elle rentre du boulot, trouve un mot : « je vais au match », rien de surprenant, c’est un adepte du ballon rond. Mais ses placards sont vides ! Disparu, le mari si bien sous tout rapport ! Elle ne s’en remet pas, la pauvre, non pas de son chagrin, mais de la honte !
On se serait cru dans Desperate Housewives. Jusqu’à cet instant où l’une me demande : « Tu te souviens de B ? » Oui, bien sûr, je l’ai connue d’abord comme élève, studieuse, pleine d’entrain, puis comme collègue, franche, toujours de bonne humeur. « Elle est morte l’an dernier, un cancer du sein décelé tardivement. » Six mois de survie, elle n’avait pas 50 ans.
Tout à coup, nous avons basculé dans Six Feet under.
J'ai vécu, ô hasard, le même radeau de la méduse ce we. Mais en moins grinçant. Sur les 3 rencontres du temps passé, une mortifière (c'était mieux avant et je me vautre dans les souvenirs idéalisés) et deux... sur la route du bonheur. Cumquat !
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 07/12/2010 à 11:24
Très belle note qui satisferait presque d'être divorcé !
"Le chat" n'est pas loin ...
Rédigé par : Dominique | 07/12/2010 à 18:10
Pourtant y a plein de points de convergence pour un vieux couple en hiver: l'AJ Auxerre, le blog de Grincheux, etc.
Rédigé par : Dominique | 07/12/2010 à 20:12
Oui, tu as raison, plein de choses passionnantes à partager ! Comme se remémorer ces vers :
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle.
Rédigé par : Caritate | 08/12/2010 à 10:16
C'est Chichi et Bernie ?
Rédigé par : Dominique | 08/12/2010 à 10:58
Je crains, Dominique, que chez ces gens-là, ça ne con-verge plus guère !
Rédigé par : Pépites & Lambeaux | 08/12/2010 à 12:11
Une petite promenade dans le passé...et pourquoi pas, on peut s'échapper à nos ennuis quotidiens, nos misère, nous même...
L'amour est peut être le plus précieux trésor de souvenirs.
Rédigé par : cruella | 08/12/2010 à 21:25
Oui DOMINIQUE a raison. Je lui renouvelle au premier janvier sa carte de correspondant permanent bénévole au Burkina Faso.
Rédigé par : Grincheux Grave | 09/12/2010 à 11:33
Les deux kg de plus sur les fesses, c'est vrai ? Bien répartis, un à gauche et un à droite ?
Rédigé par : Grincheux Grave | 09/12/2010 à 11:35
Ben Grincheux, et "spécial" c'est plus dans mon intitulé ?
Par contre je note ta grande prudence avec la spécification "bénévole" !...
Rédigé par : Dominique | 09/12/2010 à 16:06
Un à gauche, un à droite... et rien au milieu !
Rédigé par : Pépites & Lambeaux | 09/12/2010 à 18:26
Au fait vos agapes étaient-elles sponsorisées par un réseau d'agences matrimoniales ou par une marque de robes de mariées ?
Rédigé par : Dominique | 10/12/2010 à 10:47
... par les pompes funèbres !
Rédigé par : Pépites & Lambeaux | 10/12/2010 à 18:10
Vous étiez pompettes ?
(faute d'avoir pu pomper ...)
Tiens pour changer de Brel, "Les funérailles d'antan" de Georges B.
Rédigé par : Dominique | 10/12/2010 à 19:34
Si comme Lenonce tu attends 100 commentaires pour faire une nouvelle note, mon p'tit doigt me dit que ce pourrait durer longtemps !...
Rédigé par : Dominique | 18/12/2010 à 22:57
Je n'ai pas la prétention d'avoir la popularité de Lenonce, encore moins son talent ! En plus, ce blog estrelativement confidentiel.
Rédigé par : Pépites & Lambeaux | 19/12/2010 à 14:10
Arrête, tu as au moins de talent que Lenonce, tu le prouve sans cesse, mais dans un genre différent !...
Rédigé par : Dominique | 19/12/2010 à 17:26
Effectivement...beaucoup de talent.
Très belle note sur la condition féminine ,les rapports matrimoniaux et la place du mari dans le couple.
Je frémis à l'idée qu'elles se font toutes de leurs présent et avenir.(Quid de la 5ème convive?)
J'imagine la même scène au masculin ; je doute que les conversations soient de même nature.
Rédigé par : Gérard | 20/12/2010 à 08:35
Les retrouvailles entre mecs (en fauteuil roulant)dériveraient sans aucun doute sur les anciennes conquêtes, le sexe et les bienfaits du Viagra etc...
Et le tout bien arrosé bien sûr !!!!
Rédigé par : Héléanne | 20/12/2010 à 09:02
Et l'AJ Auxerre Héléanne !
Bon plus que 80 commentaires pour avoir l'honneur d'une nouvelle note ?
Rédigé par : Dominique | 20/12/2010 à 11:00