« Plus profondément le chagrin creusera votre être, plus vous pourrez contenir de joie (Khalil Gibran). Qu’il est beau d’être poète !
Est-ce à dire qu’au fond du trou, nous devons nous réjouir de tout le bonheur qui nous attend ? Je ne demande qu’à le croire. De là à mettre cette maxime en œuvre… il y a un pas de géant que je ne me sens pas à même de franchir. Et l'image qui me vient à l'esprit est celle d'"un cratère si profond que de la lune on en verrait le fond, creusé par la main d'un certain Rodriguez, d'un certain Carasco, d'un certain Gumercindo, d'un certain Chilien que l'on appelle Mille" ([Neruda, Chant général].
On peut tenter la méthode Coué qui, si elle ne fait pas de bien, ne fait pas de mal non plus. Et pendant qu’on se répète inlassablement "je vais bien, tout va bien, et tout ira encore mieux demain", on évite de couler à pic. On gagne du temps, en quelque sorte… C'est déjà pas si mal !
Nous ne sommes pas égaux, ni devant la douleur physique, ni devant la souffrance psychique.
Il y a des gens qui traversent les épreuves de la vie avec indifférence - réelle ou feinte -, comme si la douleur passait sur eux sans même les égratigner. Faut-il les envier ? Faut-il les plaindre ? Qu’est leur vie s’ils ne ressentent pas d’émotions ? Un long fleuve tranquille ?
Il y a ceux que la souffrance améliore, qui se révèlent des êtres pleins de bonté, de compréhension à l’égard des autres, devenant des sortes de mère Térésa ou sœur Emmanuelle. Ces gens-là sont rares, ou peut-être n’ai-je pas eu la chance de les rencontrer ? Ils m’auraient expliqué par quel miracle ils ont su transformer leur douleur pour leur donner un sens positif, pour qu’elle serve à autrui. Au lieu de se renfermer sur eux-mêmes, ils s’ouvrent aux autres, les soutenant, guidant leurs pas sur une pente ascendante. La souffrance les enrichit, les élève. On a vu des parents rendre visite en prison à l'assassin de leur fils.
Je ne fais pas partie de ceux-là, ni des indifférents, ni des compassionnels.
Je fais partie des individus que la douleur rend à la fois bêtes et méchants. J'ai enduré peu de souffrances insurmontables au cours de mon existence, ni plus ni moins que tout un chacun : perte des parents, logique du cours de la vie ; maladie, souffrance physique et morale à la fois ; et d'autres souffrances que partage le commun des mortels...
Et puis, il y a celle qui vous submerge, vous détruit, vous cisaille, vous coupe le souffle, celle qui n'a pas de fin, que rien ne peut atténuer.
Avec cette souffrance, arrive l’envie de faire mal, plus mal encore que ce que l’on endure soi-même. Asséner des paroles blessantes est parfois l’échappatoire à un geste irréversible, se venger donne un but à sa vie. Prendre plaisir à faire souffrir non seulement la personne à l’origine de la souffrance, mais les autres, tous les autres qui n’y peuvent mais…
Et après ? Après, il n’y a plus qu’amertume, conscience d’un ratage sur toute la ligne, autocritique qui tire encore un peu plus vers le bas, souffrance accrue, insurmontable.
Spirale infernale, spirale sans fin, sans issue.
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